2/12/2007

Partie inachevée

Une autre petite histoire que j'ai écrite pour un concours de nouvelles ayant pour thème "La Honte". C'est une espèce d'image de marque de mes nouvelles; elle a été finaliste mais n'a pas décroché de prix. Pourtant c'est une de mes préférées, celle-là...
A noter aussi que se sont caché là-dedans des hommages à la bd américaine et japonaise. Mais il faut vraiment connaître pour le voir ^^


Grant jeta dans un geste ample et vaguement parodique quelques jetons nacrés au milieu de la table. Il attendit que ceux-ci finissent de rebondir et annonça :
« Je suis. C’est à toi, La Tombe. »
La Tombe le fixa avec sa froideur commune. Puis ses yeux roulèrent à nouveau et se posèrent sur son jeu. Il se gratta le menton pensivement. Les trois autres joueurs se dévisagèrent, avec un regard qui avait tout d’un soupir oculaire. Ils savaient parfaitement que quand La Tombe passait sa main dans sa barbe, ils pouvaient attendre un bon moment.
Après quelques secondes de lourd silence, Garth hasarda un : « C’est à toi, non, Grant ?
- Quoi c’est à moi ? Tu vois bien que je viens de jouer C’est à…
- Non, pas ça, ricana Neil à sa droite. Il veut dire : "C’est à toi de raconter".
- J’ai pas envie de parler de ça, ajouta Grant sur un ton froid.
- Allez… Neil a raconté le sien la dernière fois. La Tombe… est excusé… C’est à ton
tour. »
Grant leva ses yeux sur Garth, mais ne s’adoucit pas pour autant.
Ces soirées avaient des codes. Ils n’étaient pas clairement explicités, jamais personne ne les avait énoncés, mais le fait est qu’ils étaient là. Ils se réunissaient tous les mercredis. Grant, Neil, Garth « L’Irlandais » et Brian « La Tombe ». Ils se retrouvaient dans ce bar, tard après la fermeture. Assez tard pour qu’il n’y ait plus personne d’autre. La lumière était si faible qu’il fallait presque plisser les yeux pour voir ses cartes et la fumée de cigarette finissait par faire pleurer. Pour bien jouer dans ces soirées, il fallait le mériter.
« Hmmm… »
C’était La Tombe. Les joueurs se tournèrent machinalement vers lui, dans l’attente d’un miracle. Mais il se replongea dans sa profonde réflexion. On l’appelait La Tombe car il ne causait jamais. Pas envie. Et ce soir, il n’avait jamais aussi bien mérité son surnom.
« Allez quoi, Grant, dit Neil. On le fait tous.
- Garth l’a pas fait. »
Garth « L’Irlandais », lui, tenait son sobriquet de la couleur de ses cheveux. Rouges comme le diable. Mais il n’était en rien irlandais. C’était lui qui avait lancé cette nouvelle idée. Celle de raconter "son jour le plus…" à chaque soirée. Et cette fois-là, le thème en était "le jour le plus honteux".
« C’est pas à moi, Grant. C’est à toi. »
Comme Grant gardait son mutisme, L’Irlandais se fit plus conciliant. Ils avaient déjà La Tombe, si Grant ne parlait plus à son tour, cela allait devenir un vrai cimetière d’ici peu. Ça l’était déjà d’une certaine façon.
« Bon Ok, dit Garth avec un hochement de tête entendu. Je raconte le mien, mais après tu t’y colles…
- Cinq cartes, lança subitement La Tombe.
- Quoi ?! Cinq cartes? cria presque Neil, tout ce temps pour… »
Le silencieux joueur avait un visage suffisamment lugubre pour le stopper net dans sa tirade.
« Ooookay… Je suis et je relance, dit rapidement L’Irlandais pour détendre l’atmosphère. Donc je vous raconte le mien…
« En fait, je vais vous avouer quelque chose. Y’a qu’un truc qui me filait la trouille dans notre boulot. Les flingues, les bastons, les flics, les petites guerres… Tout ça j’en avais rien à foutre… J’en riais même, vous voyez. C’était mon quotidien et j’en avais rien à foutre.
« Non en vrai, y’a qu’un truc que je redoutais. Et c’était d’être exécuté chez moi en pleine nuit.
- Hein ? Pourquoi chez toi ? le coupa Neil. Partout tu veux dire…
- Non, non, chez moi. J’avais peur qu’un tueur s’introduise chez m…
- Mais pourquoi forcément chez toi, il y a plein d…
- Mais laisse-moi finir ! Tu vas me pourrir le final !
« Donc un soir, je pars me coucher… Ben tiens c’est le soir où tu m’avais présenté au bras droit de Capone, Grant. »
Grant fit oui de la tête, toujours boudeur.
« Donc, je rentre chez moi et je vais me coucher. Jusque-là tout va bien. Puis dans la nuit, je suis réveillé par un bruit. Je me redresse en sursaut et là, à côté de moi, y’a un gars qui me regarde. Moi je hurle. Je me souviens même pas de ce que je criais. Rien de cohérent, je pense. Et là, le type met des mains vides devant lui et me fait « Hé gars, j’suis pas là pour te buter. C’est Capone qui m’envoie. Il a entendu parler de toi en bien et il a besoin de quelqu’un d’urgence pour un boulot ». Moi je souffle un peu, je dis Ok. Et là, il soulève ma couverture en me disant de me dépêcher et il tombe dessus…
- Il tombe sur quoi ? demanda Grant, subitement intéressé.
- Il voit… que je dors avec mon chat. Planqué contre moi, ce con de chat a même pas bougé quand j’ai gueulé ».
Neil et Grant ricanèrent. Même La Tombe avait esquissé un sourire.
« Bon, vous voyez, je l’ai dit. Pas de quoi…
- Attends, dit Grant. Tu veux dire que si tu avais peur qu’on vienne te tuer la nuit chez toi, c’est seulement parce que tu avais honte d’être surpris à dormir avec ton chat ?
- Ben ouais, répondit L’Irlandais, embarrassé. Tu vois, ça le fait pas vraiment, dans le métier.
- Bof, y’a quand même pire.
- Ben le gars devait être de ton avis puisqu’il en a jamais parlé. Du moins à c’que je sais. »
Les joueurs souriaient encore de l’anecdote. Neil en avait même oublié de jouer. Il inspecta brièvement son jeu et dit d’une voix toujours amusée :
« Deux cartes ».
Grant se racla la gorge et se lança.
« Bon, Ok, je vous raconte le mien. »
Les autres, et spécialement Garth, affichèrent un visage satisfait.
« Ça commence ici, à Chicago. Ça fait cinq ans que je bosse pour Capone et je bouge pas de place. Toujours sous-fifre. Pas un petit secteur à moi, pas un quartier, pas même un troquet.
« Je commençais à avoir de bonnes relations. Avec les autres familles, avec les irlandais –les vrais- et les autres, dans le milieu et même avec pas mal de flics. Quand ils me voyaient passer avec les camions remplis d’alcool à ras-bord, ils fermaient les yeux.
« Bref, je voulais passer à l’étage au-dessus. Me faire un nom. J’avais repéré un endroit sur The Loop et je voulais monter un club. Mon club. Avec la bénédiction du patron, bien sûr.
« Alors je fais courir le bruit. Croyez-moi les gars, dans ce boulot, rien ne se communique mieux que quand vous le chuchotez à l’oreille de quelqu’un en ajoutant "surtout ne le répète pas". Donc… »
Grant fit une pause, but une gorgée, tira sur sa cigarette et relança de dix jetons.
« Donc je m’étais dit que si rien ne bougeait d’ici quelques temps, j’irai voir Capone en personne.
« Mais deux jours après… Tu entends bien : deux jours après. Pas une semaine, pas un mois. Deux jours après que j’ai lancé ma rumeur, je reçois un coup de fil au bar où je traînais toujours…
« C’était Capone. »
- Non ? s’étonna L’Irlandais.
- Comme je te dis. Capone en personne. En cinq ans, j’avais dû le voir, quoi… trois fois. Et à chaque fois, je devais pas piper un mot. Et là, il demande à me parler.
« Il me dit un truc du style : "j’ai entendu dire qu’une boîte t’intéresse au centre. J’ai besoin d’un type de confiance pour une petite mission à New York. J’ai un deal avec un gars de là-bas. On l’appelle Big Joe. Un gars pas commode, il me dit. Je veux que tu y ailles et que tu lui livres une mallette. Si tu fais bien ce que je te demande, tu peux considérer que le bar est à toi".
- Je suis, dit La Tombe.
- Évidemment, j’accepte. J’ai un rendez-vous aux docks le lendemain soir. Là un gars que je connaissais de vue vient me trouver et me dit : "La mallette est même pas fermée à clef. Le boss te fait vraiment confiance.’’ Et il m’amène à la voiture que je devais utiliser.
- Quoi… Chicago-New York… en voiture ? demanda Neil.
- Tout juste. Il voulait que personne ne me voie avant l’échange. Ah oui, parce qu’en contrepartie, Big Joe devait me donner une autre valise. Évidemment, je n’avais à savoir le contenu d’aucune des deux.
« Bon, je vous passe les détails du voyage…
- Je te suis et je relance de dix, déclara Garth. »
Grant en profita pour boire une gorgée de plus.
« Arrivé à New York, je descends à l’hôtel que Capone m’avait réservé. Le vrai grand luxe. À croire que le patron voulait me chouchouter.
« Et comme l’échange avait lieu que le lendemain, et que j’avais un peu peur de m’ennuyer, j’appelle un type que je connais bien sur la Grosse Pomme. Un gars qui tenait une boîte avec… euh… des filles…
- Miller, informa L’Irlandais.
- Ouais, Miller, confirma Grant.
- Bon sang, ses filles étaient les meilleures qui soient. Il m’arrivait d’aller à New York juste pour aller chez Miller.
- T‘étais pas marié ? demanda Grant.
- Et alors ? Toi aussi, non ?
- Je me couche, dit Neil, après le râle bien spécifique de celui qui n’a pas eu de jeu de toute la soirée.
- Bon hum… Plus tard dans la soirée arrive la fille. Ginger. Et elle…
- Ah ouais, Ginger, répéta L’Irlandais. Elle c’était vraiment…
- Chut ! lui intima la Tombe, sur le ton le plus impératif qui fut pour prononcer ce mot.
- Merci Brian. Donc la fille arrive dans la chambre d’hôtel. Une vraie déesse en manteau long. Rouquine, les cheveux au carré, un corps de rêve. Elle entre et pose ses accessoires.
- Ses accessoires ? dit Neil.
- Ben ouais… des fouets et… des trucs que t’as pas à savoir. Mais de toute façon, on s’en est pas servi, déclara Grant, avec le front tout de même un peu plus rosée qu’à l’accoutumée. Donc là je passe la meilleure nuit de ma vie. Ça finissait jamais. Je peux vous dire qu’avec les filles de Miller, on en a pour son argent. Hé, mais c’est à moi… »
Il jeta à nouveau quelques jetons et revint à son récit.
« Comme la soirée avait été pas mal arrosée, je me réveille le lendemain avec un sacré mal de tête. La fille était toujours là, et elle dormait à poings fermés. Et là je regarde l’heure... Et Putain ! (il frappa soudainement du poing sur la table, ce qui fit sursauter son auditoire), j’étais à la bourre pour le rendez-vous avec Big Joe !
« Ça se passait dans un entrepôt du côté de l’Hudson, et il me fallait une bonne demi-heure pour m’y rendre.
« Alors je m’habille en vitesse, et je fonce en bas prendre un taxi.
- Je me couche, dit la Tombe.
- Et t’as raté le rendez-vous ? s’inquiéta Neil.
- Non, j’arrive de justesse. Et là, tout le monde m’attendait. Je vois Big Joe assis à une table, avec quelques hommes de chaque côté. Il me dit de m’asseoir en face de lui, me demande comment va Al et essaie de me mettre à l’aise. Puis vient le moment où il me réclame la mallette. Je la prends et lui pose sur la table. Il l’ouvre de telle sorte que je ne vois plus son visage pendant quelques secondes et là… Je vous jure que le temps s’est figé… Plus personne disait rien. Ils regardaient tous le contenu de la valise avec des têtes effarées. Big Joe relève la tête vers moi et me fixe avec un visage impassible. Sans dire un seul mot, il tourne la mallette ouverte vers moi… Et là…
- Quoi, qu’est-ce qu’il y avait dedans ? s’impatienta Neil. »
Le visage de Grant se fit plus grave.
« Et là, je vois les jouets de Ginger. Tous ses accessoires… Les fouets, les menottes et… les autres trucs… j’étais tellement pressé en me levant que je m’étais trompé de mallette, et voilà que je présentais ça à Big Joe. J’arrivais pas à prononcer une syllabe, et lui continuait de me fixer sans ciller. J’ai cru que j’allais mourir de honte…
- Et alors ? demanda La Tombe, à la surprise de tous.
- Alors quoi ? dit Grant.
- Alors t’es mort de honte ?
- Non…ça c’est Big Joe qui s’en est chargé. »
Il laissa passer quelques lourdes secondes de silence, puis ajouta :
« Il a sorti une arme de sous la table, et m’a logé deux balles dans la tête. »
À nouveau le silence. Aucun des joueurs n’osait croiser le regard des autres. Un bruit de voiture les sortit de ce calme gêné. Claquement de portière, bip de fermeture centralisée. C’était le patron du bar qui venait pour préparer l’ouverture.
« Allez, les gars, c’est l’heure, conclut L’Irlandais. On se revoit mercredi prochain. »
Et, alors que la porte d’entrée s’ouvrait, les silhouettes des quatre fantômes s’effacèrent doucement.

2/01/2007

Petite Histoire sans Grande prétention

Sachez que pendant deux ans, j'ai fait de la radio. Avec des amis nous tenions une émission dans une radio locale, qui parlait de cinéma. Une semaine il a été décidé que le thème de l'émission serait en gros "fais ce que tu veux tant que ça a un rapport avec le cinéma". Alors j'ai écrit cette petite histoire.

Je tiens la porte et la laisse passer. Nous entrons enfin dans la salle.
Alors que nous cherchons des places, je regarde autour de moi. C’est étrange, et je n'y avais songé auparavant, mais j’ai l’impression de me trouver au milieu d’un lieu de culte.
Toutes ses têtes, tournées vers une même direction, pareilles à une foule de fidèles attendant patiemment l’office. Ils sont assis là, tournés vers leur dieu unique, qui, moyennant une offrande à l’entrée (et occasionnellement une offrande réduite pour les étudiants et les demandeurs d’emploi) les récompensera chaleureusement d’un nirvana de divertissement.
Je me reprends. Pourquoi ai-je de telles pensées en un tel moment ? Est-ce dû à sa présence ? Au fait qu’elle soit si proche de moi ?
Finalement nous trouvons nos sièges. « Pas trop près de l’écran car cela me fait mal aux yeux » me confie-t-elle. Je hoche la tête en signe d’obéissance. Nous échangeons quelques mots timides et enfin la lumière se tamise, le monde s’éteint progressivement.
Face à nous, les immenses paupières de cette divinité tant adorée s’ouvrent et nous abreuvent d’images multicolores. Nous rions encore comme des gamins, nous moquant des futilités commerciales qui se succèdent inlassablement.
Puis enfin cela commence.
Je n’en connais même pas le sujet, je me suis simplement contenté d’accepter quand elle a choisi en réponse à mon invitation. Je ne suis peut-être pas très doué en matière de premier rendez-vous, mais j’ai vite compris qu’il ne fallait jamais refuser quoi que ce soit. D’autant plus quand ce « quoi que ce soit » vous est proposé par une jolie fille.
Moi qui suis d’ordinaire si pointilleux (trop sûrement), je n’ai même pas pris la peine de me renseigner sur ce que nous étions sur le point de contempler pendant presque deux heures. Cela aurait aussi bien pu nous conter les mœurs des bouquetins des steppes de l’Oural que mon enthousiasme serait resté inchangé.
Alors que sur l’écran l’action prend place, mes yeux ‘égarent sur sa silhouette. Ses jambes, nues sous sa jupe, se devinent à peine, cachées par sa veste parfaitement pliée sur ses genoux. Sa peau semble d’un blanc immaculé, presque irréel. Est-ce mon regard qui la transforme ainsi ou la lumière si particulière qui règne dans ce lieu ?
Les personnages nous sont présentés. Le héros, l’héroïne, leur quotidien… Peu importe ce qui se déroule, je ne le suis pas vraiment. Pour tout dire, je me moque éperdument des protagonistes de cette histoire. Je leur préfère le spectacle que m’offre sans le savoir ma voisine de siège. Je continue ma discrète exploration contemplative.
Ses mains fines et fantomatiques sont sagement posées l’une sur l’autre, sur ma veste. J’hésite. Ma propre main (d’apparence monstrueuse en comparaison) s’élève fébrilement et s’approche des siennes. Jamais auparavant quelques centimètres ne m’avaient paru si lointaine distance. Ma main tremble un peu, puis je la repose à sa place, sur mon accoudoir. Je retiens mon souffle quand elle lève l’une des siennes, mais je ne suis pas très surpris de la voir plonger dans un sachet de friandise.
A ce moment, la salle entière part d’un même rire. Elle aussi rit, et se tourne vers moi, certainement pour s’assurer que j’ai également saisi la finesse de la plaisanterie. Je souris effectivement. Mais les répliques, aussi humoristiques qu’elles puissent l’être, n’y sont pour rien. Elle semble satisfaite de ma réaction, et se concentre à nouveau sur son occupation. Je retourne à la mienne.
Je m’étonne de l’effet que peut me procurer ce petit bout de femme. Bien sûr qu’elle m’avait séduit avant cette invitation, mais ici, plus rien n’est pareil. Son corps semble flou, fragile, envoûtant. Mon regard monte vers son cou parfait, et s’apprête à se poser sur son visage, à s’émerveiller de chaque grain de beauté, de chaque trait gracieux, quand un cri strident me sort de ma rêverie.
Sur l’écran, l’héroïne en pleurs entretient une conversation téléphonique mouvementée. Je ne saurai vous dire avec qui et pourquoi… Je suis néanmoins surpris par la progression de l’histoire. De toute évidence, elle touche à sa fin et ne m’a semblé durer que quelques trop courtes minutes. Comme presque toujours, cela me désole. D’habitude, c’est parce que je voudrais voir les films que j’aime s’étendre à l’infini, ne jamais se terminer. Pas cette fois-ci…
En réponse à ce secret signal d’alarme, je me hâte de reprendre mon loisir où je l’avais laissé. Je suis littéralement sous le charme des ombres qui dansent sur son visage au rythme lent des images. Je reste tétanisé, comme si je croyais à peine à ce que j’ai pourtant sous les yeux. Je n’ai même pas le temps de détourner mon regard quand le sien se pose sur moi. Apparemment, elle a compris ce qui retenait réellement mon attention ce soir. Elle me sourit et tourne à nouveau la tête pour assister au dénouement. Ne sachant plus trop comment réagir, je l’imite.
C’est donc tout ce que j’aurai retenu de ce film. Le héros fait arrêter son taxi, et rejoint dans une foule son aimée. Il lui chuchote quelques mots incompréhensibles à l’oreille, l’embrasse, et disparaît… J’attends la suite, qui n’arrivera jamais, quand je sens sa main froide sur la mienne. De minuscules noms blancs se mettent à défiler sur la toile couleur de nuit, et nous échangeons un long regard, sans un mot. Je me sens stupide à l’idée de ne pas savoir quoi dire. C’est elle qui rompt le silence.
« Tu as aimé ? me demande-t-elle.
- Oui, lui réponds-je sans mentir. »
Et, alors que se referme l’œil géant du dieu Cinéma, et que l’univers s’illumine à nouveau, elle pose sur mes lèvres le plus doux des baisers.
Un baiser au goût de pop-corn.


Générique