5/06/2007

Pas de titre

Une petite nouvelle qui était en fait l'introduction d'un roman, que j'ai laissé un peu de côté mais que j'espère bientôt reprendre. Pour la petite histoire, il s'agit en fait d'un devoir de cours du personnage principal.


Un drapeau claquait au vent dans le décor de plaine désertique. Le ciel était si bas qu’on aurait juré pouvoir attraper les étoiles une à une. La lune, pleine, omniprésente, dominait la scène et l’éclairait presque comme en plein jour.
Au milieu des tentes de toile, une silhouette sombre se mouvait. Parfois très rapide, comme courant sur la pointe des pieds, parfois lente, aux aguets. Mais toujours sans un bruit. Manifestement, elle connaissait son trajet par cœur, et laissait peu de place à l’improvisation dans ses mouvements. Elle parvint à l’entrée de la plus grande des tentes, celle sur laquelle se dressait le drapeau aux couleurs de l’Empire. La silhouette se figea devant une autre, bien plus massive. Quelques monts furent chuchotés, puis toutes deux disparurent dans les replis du tissu.
A l’intérieur, trois hommes étaient penchés sur une immense carte, posée sur la table centrale. Tous étaient silencieux. La détresse et, n’ayons pas peur de le dire, la peur de lisait clairement sur le visage de deux d’entre eux. Le troisième, le plus petit, n’avait pas peur. Ou du moins ne le laissait-il pas voir. Il leva la tête avant même que le garde n’ait pu prononcer un mot.
« Monsieur l’Empereur, l’espion est ici, et tient à vous parler.
- Qu’il parle, répondit le petit homme. Mais que tout le monde garde en mémoire qu’il s’agit d’un traître, et non d’un espion. »
L’intéressé parut surpris d’un tel accueil, et resta curieusement muet pendant quelques très longues secondes. Le garde à côté de lui l’encouragea d’un coup de coude.
« Hmm… Monsieur… je vous ramène des nouvelles des armées prussienne et britannique, bredouilla le traître dans un parfait français, quoique teinté d’accents d’outre-manche. Les hommes de Wellesley sont à la frontière et ils…
- Peu m’importe où ils se trouvent, dit l’empereur tout à fait calmement. Tout ce que je veux savoir, c’est combien ils sont. »
L’anglais était franchement impressionné. Comment une personne de si petite taille pouvait-elle vous faire sentir si minuscule ? Sentant tous les regards braqués dans sa direction, il surmonta l’angoisse qui lui paralysait la mâchoire, et, non sans se demander si il n’était pas encore trop tard pour mentir, consentit tout de même à répondre.
« Blücher a mobilisé 116 000 hommes à Namur. Les hommes du duc de Wellington sont eux près de 95 000. Tous parfaitement armés et entraînés, termina-t-il en se sentant obligé de rajouter un : Monsieur… »
Les mines des généraux de l’empereur, déjà creusées par l’angoisse, affichaient très clairement à présent la détresse la plus profonde. L’empereur leur accorda un regard, puis se tourna à nouveau vers son interlocuteur.
« Ce sera tout, traître. L’empire français te remercie de ton geste, bien que parfaitement honteux envers ta patrie. »
Encore une fois, le visage blanc montrait à quel point son propriétaire se sentait perdu, et, ne sachant comment réagir, il se laissa guider sans ajouter un mot par le garde vers l’entrée de la tente.
A l’intérieur, le silence s’installe à nouveau parmi les trois hommes. Puis l’un d’entre eux, peut-être celui qui avait le visage le plus blême, se mit à bredouiller :
« Monsieur… Ils sont largement plus de 200 000… Nous en avons moins de la moitié… »
Comme il n’arrivait plus à échapper un son de sa bouche, l’homme à sa droite lui vint en aide :
« Il serait peut-être préférable que nous évitions la bataille, monsieur… un simple repli, une rémission. Et plus tard, une fois notre…
- Silence ! J’ai besoin de temps ! Du temps pour réfléchir… »
Les trois hommes n’osaient plus respirer.
« Sortez ! Sortez tous ! »
Ils baissèrent la tête, personne n’aurait pu dire s’il s’agissait de honte ou de soumission. Au moment de quitter la tente, le petit homme interpella un de ses généraux.
« Général Dumont, restez ici. »
Ce dernier s’exécuta, et se rapprocha de la table.
« Nous n’avons clairement aucune chance de remporter la victoire. Je m’étais préparé depuis longtemps à cette alternative. »
Il posa sa main sur son cœur. Dumont reconnut ce geste que tous trouvaient énigmatique. L’empereur continua :
« Jamais je ne laisserai mes guerriers perdre à la bataille. Jamais. Général, vous me connaissez bien. Vous savez que je ne laisserai jamais la victoire à mes adversaires, quoi que cela en coûte. Et je ne l’offrirai pas pour tout l’or du monde à ces CHIENS D’ANGLAIS ! »
Le général ne frémit même pas, et restait impassible. Il continuait de fixer la main de l’empereur, qui se dirigeait vers l’intérieur de son manteau.
« Quitte à perdre mon armée, autant que ce soit de ma main. »
Enfin il sortit de sa poche, endroit si mystérieux, un objet brillant. Une fiole.
« Ceci est un poison extrêmement efficace que j’ai ramené d’une de mes campagnes en inde. Il endort et tue presque instantanément. Prenez-le et mélangez-le à la soupe des troupes demain.
- mais, Monsieur…
- Cette quantité n’est bien sûr pas suffisante. Vous en trouverai dans le coffre (il pointa une masse sombre au fond de la tente). Ceci, je le gardais pour moi… Prenez et allez vous-en. J’ai… j’ai besoin de me reposer »
Il avala le contenu de la fiole d’un trait. Dumont avait presque les larmes aux yeux, mais obéit. Il ouvrit le coffre et trouva des pleins flacons d’une poudre étrangement noire. Avant de quitter les lieux, il jeta un dernier regard en direction de son Empereur. Il était allongé sur sa couche, et ne disait plus un mot. Le général se résigne à sortir, non sans secouer la tête dans un désespoir le plus profond.
Le petit homme attendit que son bras droit ne soit plus présent, se leva et cracha ce qu’il gardait dans sa bouche. Il but dans un broc et cracha à nouveau. Se rendant à l’entrée de ses quartiers, il scruta son camp. Une lumière brilla dans la tente de ravitaillement.
Alors, Napoléon apprêta son cheval, et, dans la plus grande discrétion et sans un mot, il quitta le camp dans la nuit.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Houla, j'suis un brin en retard pour ce post.

c'est l'histoire vrai, ou c'est juste sortit de ton imagination???

Makkel a dit…

Et depuis, rien...

J'adore le style d'écriture, mais l'histoire vient d'où ? c'est pas réel... si ?
Le roman raconte quoi en gros ?

Que de questions laissées en suspens...

ced a dit…

Non évidemment ce n'est pas réel, c'est de la fiction historique :)

C'est en fait le début d'un roman, qui fait partie du panthéon de mes textes inachevés, et que vous pouvez lire ici.
Voilà voilà,

A plus.