Et hop désolé du retard, j'ai retrouvé mes archives.
La nouvelle suivante est une histoire sur laquelle je voulais qu'on sente une ambiance, et pas forcément une intrigue incroyable. A noter que normalement, elle devait avoir un lien avec la nouvelle "triglyphe", postée précédemment, mais je l'ai enlevé, vu que c'était inutile.
Pour la troisième fois, Alan vérifia à nouveau s'il n'avait rien oublié. Clefs, portefeuille, cigarettes... Non, tout était bien là, mais il ne pouvait pas s'empêcher de toujours fouiller les poches de sa veste pour s'en assurer. Généralement, il le faisait à quatre ou cinq reprises à chaque fois qu'il devait sortir, mais il réussit à se contrôler cette fois-ci. Il avait vu un jour une émission sur les TOC, les troubles obsessionnels compulsifs, et décida que ce n'en était pas un. Du moins pas un qui méritait de passer à la télé.
Il fit quelques pas dans l'allée devant chez lui puis se retourna.
« Allez Tom, lança-t-il. Dépêche-toi ou on va rater le bus. »
L'enfant était à quelques mètres de lui, devant la porte d'entrée qu'il venait de fermer, mais restait immobile. Il avait les yeux fixés vers la zone d'ombre sous les quelques marches qui menaient au palier.
« Allez, dépêche-toi, répéta-t-il, qu'est-ce que tu fais ?
- Je crois qu'on a encore des gnomes dans la cave, papa, dit Tom.
- Mais non, répondit Alan en riant. Tu sais bien que papa a appelé le monsieur qui a mis du produit et nous en a débarassé. »
Tom hocha la tête. Puis il sembla se souvenir subitement qu'il avait projeté de bouder toute la journée, et s'exécuta, les bras croisés théâtralement sur la poitrine.
« Allez, donne-moi la main, dit Alan.
- Non, je suis pas un bébé.
- Comme tu veux. Mais je te préviens, dès qu'on sera en ville, tu seras obligé.
- Mmmmh, grogna Tom en guise de réponse. »
Ils sortirent de leur allée et marchèrent sur le chemin de terre qui bordait leur habitation. Alan ferma les yeux en sentant les lueurs matinales sur son visage. Il faisait encore un peu frais pour un 14 avril, mais il n'y avait aucun nuage dans le ciel. Cela promettait d'être une belle journée. Au loin, un animal lança un cri étrange, puis se tut.
Enfin, ils arrivèrent au croisement entre le chemin et la route goudronnée, ou le seul autre indice qu'il y avait un monde civilisé quelque part était un abri bus qui commençait à prendre de l'âge. Tom s'assit sur le banc en bois. Alan préféra rester debout, à distance de l'enfant, afin de fumer une cigarette qu'il tira de son paquet. Il eut pendant quelques secondes peur d'avoir oublié son briquet (alors qu'il avait vérifié plusieurs fois), et lâcha un soupir de soulagement en le sentant sous ses doigts, dans sa poche de Jean.
Il n'avait pas fumé la moitié de sa cigarette quand il vit le bus arriver. Il la jeta à terre et l'écrasa du pied.
« Allez, le bus est là, dit-il en se tournant vers Tom. »
Le véhicule s'arrêta à leur niveau et ouvrit ses portes dans un Pschttt bruyant. Le chauffeur, une brune plutôt jolie, lui lança un bonjour rafraichissant accompagné d'un sourire radieux. Tom, lui, ne bougeait toujours pas de son banc.
« Tom, tu fais attendre la dame, allez... Excusez-le, dit-il à l'attention de la jolie fille. Il a dix ans aujourd'hui, et il doit avoir le blues d'avoir une année de plus, à son grand âge...
- C'est pas grave, répondit-elle, toujours en souriant. Et bien, bon anniversaire, bonhomme. »
Tom leva les yeux et rougit. Puis il se décida enfin à se lever. Il ramassa son sac, , qu'il avait coincé entre ses pieds quand il s'était assit, et monta dans le bus. Son père l'imita, et prit deux tickets pour Chicago.
Vu le peu de personnes présentes (Alan en compta rapidement quatre), ils s'assirent l'un derrière l'autre, occupant chacun deux places. Tom, installé devant son père, posa son sac à dos sur le siège à côté de lui et tourna sa tête vers la fenêtre.
Le bus démarra, fit quelques mètres puis s'arrêta. Les portes s'ouvrirent à nouveau. Un homme essouflé entra, remerciant la conductrice de s'être arrêté, puis alla s'assoir à quelques rangées du fond. Alan le reconnut. C'était un de ses nouveaux voisins qui venait de faire construire, un peu plus haut de chez lui. Mais il fut incapable de retrouver son nom. Enfin le car partit pour de bon.
Alan ferma les yeux et s'assoupit. Quand il les rouvrit, il entendit son fils marteler de ses petits doigts sa console de jeux portable, dont il avait coupé le son pour économiser les piles.
L'adulte se leva et s'assit à la place du sac à dos, le posant à ses pieds. L'apercevant, Tom se remit à faire la gueule. A ce stade, ce n'était même plus faire la gueule... Si faire la gueule était puni par la loi, alors Tom serait bon pour la chaise.
« T'es pas content d'y aller ? demanda calmement Alan.
- Je voulais dormir.
- Je sais qu'on s'est levé tôt, mais c'est loin et c'est maman qui a la voiture. »
A ces mots, la moue de Tom se marqua un peu plus. Alan remarqua quelque chose par la fenêtre.
« Oh regarde, une licorne, dit-il à son fils, ravi de pouvoir détourner son attention. »
En effet, une grande licorne blanche buvait l'eau d'une petite mare dans un champ près de la route. Quand le bus passa près d'elle, elle leva la tête, faisant briller l'ivoire de sa corne au soleil, et le regarda passer. Alan crut voir son petit un peu plus loin dans l'ombre d'un arbuste, mais il se trompait peut-être.
« Non, ne la prend pas en photo, dit-il à Tom qui sortait l'appareil de son sac. Economise les plutôt pour tout à l'heure. »
Sans un mot, l'enfant remit l'objet dans son sac, qu'il préféra replacer entre ses minuscules pieds à lui, et se remit à son jeu vidéo.
Alan, lui, somnola à nouveau.
Il n'était pas loin de onze heures quand la voix de la jolie brune réveilla Alan en informant ses passagers qu'ils arriveraient à Chicago dans vingt minutes. L'homme regarda par la fenêtre et s'étonna de voir encore défiler les champs verts de l'Illinois. Au fond du paysage couraient en troupeau quelques achlis bondissants.
Alan secoua Tom, qui s'était lui aussi endormi. L'enfant se réveilla et grogna une fois de plus en découvrant qu'il s'était assoupit en laissant sa console allumée, et qu'il ne restait plus de batterie. C'était bien la peine d'avoir baissé le son...
Enfin, sans qu'ils n'aient vraiment remarqué la transition, le paysage urbain les entourèrent, et le bus s'arrêta au terminus. Avant de descendre, Alan ne put s'empêcher de remercier le chauffeur avec, à son tour, un grand sourire. Cette dernière le lui rendit en lui souhaitant une bonne journée. Mais Alan se sentit un peu vexé en entendant la fille énoncer exactement ces mêmes mots à son voisin sans nom, qui descendait derrière lui.
Dès qu'il fut à l'air libre, il alluma une cigarette. il fumait nettement moins qu'avant, mais avait fermement décidé d'arrêter. Il ne lui manquait plus qu'à décider de la date à laquelle il arrêterait.
« Allez viens, dit-il en tendant la main, on va manger. »
Ils se rendirent à pied vers le parc de The Loop, et choisirent un banc face au lac Michigan. Un groupe de jeunes gens faisaient du jogging. Alan n'était pas souvent venu à Chicago, mais à chaque fois qu'il venait sur les berges du Michigan, il y avait toujours des personnes en plein jogging, et ce quelque soit l'heure. L'homme se demanda où ils pouvaient trouver le temps. Lui, entre le travail à l'usine, l'entretien de sa petite maison, son fils et Jenny, son épouse, il n'avait même pas le temps de songer à avoir un loisir...
Il sortit la poche plastique renfermant leur déjeuner du sac à dos (Tom avait insisté pour le porter), et déballa de leur papier aluminium les sandwiches au fromage qu'avait préparé Jenny la veille.
Bientôt le mutisme volontaire de Tom fut rejoint par celui d'Alan mordant goulument dans son repas.
Sur le banc voisin, deux petites femmes âgées parlaient dans un patois incompréhensible tout en jetant nonchalemment des miettes de pain à des petits griffons qui se pressaient pour les picorer. Ce qui passait pour la mère des animaux, étendue sur le flanc un peu plus loin dans l'herbe, les surveillait de ses yeux de rapace.
Alan finit son sandwich et regarda avec envie celui de son fils, que ce dernier avait manifestement du mal à terminer.
« Tu sais, Maman aurait bien aimé venir, dit-il à l'enfant, décidé à crever l'abcès une fois pour toute.
- Ouais...
- Mais si, mais il fallait qu'elle travaille aujourd'hui. Et son patron ne voulait pas lui donner de jour de congé...euh...de vacances...
- Je sais ce que c'est un jour de congé, répliqua sèchement Tom.
- Mais elle m'a dit qu'elle te fera un gros gâteau qui nous attendra dès qu'on sera rentrés. Mais chut, c'est une surprise, dit-il en plaquant son doigt contre sa bouche. Allez, donne-moi ça, va, tu me fais pitié. »
Alan prit le reste du sandwich de l'enfant et en avala une bouchée. Un bruit d'éclaboussure attira leur attention. Un peu plus bas, sur les berges du lac, un capricorne surgit de l'eau et entreprit de se secouer. Puis il s'allongea de tout son long sur la petite plage de galets pour se faire dorer au soleil. Mais il regagna rapidement les flots quand un manticore passa à proximité.
Alan ne put à son tour se résoudre à terminer le reste du casse-croûte et le jeta à l’eau, où la tête du capricorne réapparut pour l’engloutir. Puis il replongea et disparut.
L’homme sortit deux pommes de la poche, et se leva et en tendit une à Tom.
« Tiens, dit-il, on va les manger en marchant. Il faut qu’on se trouve un taxi. »
Ils marchèrent vers la sortie du parc, ou plusieurs hommes en costumes et femmes en tailleur finissaient leur salade avant de retourner travailler. Ils trouvèrent des toilettes publiques qu’ils utilisèrent l’un après l’autre, puis ils avancèrent vers la circulation.
Le soleil éclatant de printemps aveuglait Alan en se reflétant sur les immeubles d’argent de la ville. Il vit la tour Sears au loin et remarqua avec étonnement qu’un gros dragon gris y était agrippé. Etrange… Ces bestioles avaient pourtant tendance à partir vers le nord dès qu’il faisait un peu chaud dans la région. Alan n’arriva pas à reconnaître s’il s’agissait d’un fafnir ou d’un tatsu. Il avait appris ça au primaire, mais ses souvenirs d’école étaient lointains à présent. Tom l’aurait peut-être su, mais il n’avait pas l’air d’avoir remarqué le reptile, et tout compte fait, Alan ne jugea pas si important de le savoir.
Il hêla un taxi ; qui s’arrêta. Ils s’assirent tous deux à l’arrière. Alan indiqua leur destination au chauffeur, qui avait un accent italien. La voiture démarra et roula en direction du centre.
Alan jeta un dernier coup d’œil vers la Sears mais le dragon n’y était plus. Il le chercha du regard dans le ciel dans le pare-brise arrière, mais ne fit qu’apercevoir une volée d’oiseaux-phens.
Cela faisait bientôt un quart d’heure que le taxi était immobilisé dans un gigantesque embouteillage.
Tom s’impatientait, et à vrai dire, son père également. Le chauffeur avait beau monter le son de la radio, le bulletin d’info-traffic ne donnait aucune explication. Cinq minutes de plus passèrent et Alan s’agita dans son siège. Il avait besoin d’une cigarette.
« Ça vous dérange si je sors cinq minutes, pour voir ce qu’il se passe ?
- Ma non pas dou tout, répondit le chauffeur. »
Alan sortit du taxi après avoir passé une main amicale dans la chevelure de son fils. Il se demanda s’il pouvait vraiment le laisser seul, mais le conducteur avait l’air honnête, et même s’il avait voulu kidnapper l’enfant, il n’aurait pas roulé bien loin avec ce bouchon.
Alan sortit son briquet et son tabac, et marcha en direction d’un homme en uniforme de police qui tentait de faire la circulation au milieu des kalxons et des insultes.
« Bonjour, cria-t-il au policier entre deux bouffées de cigarette. Vous savez ce qui arrive ?
- Ah, il fallait s’en douter, de ce qui arrive. C’est à cause du kraken qui vit dans les égouts entre la 11ème et Main Street. J’avais pourtant prévenu la municipalité qu’on aurait ce genre de problèmes, mais ils n’ont pas voulu écouter… Il y a eu le même genre d’histoire avec le léviathan qui vivait dans l’Hudson, à New York, mais nooon, ça a pas suffit à…
- Qu’est-ce qui c’est passé exactement ? l’interrompit Alan.
- Oh, c’te conne de bête a voulu voler la carriole d ‘un vendeur de hot-dogs et s’est coincé en l’amenant dans les égoûts. Les pompiers essaient de voir comment la déloger sans avoir à lui sectionner un tentacule. »
- Ok, répondit Alan. »
Il retourna à son taxi, écrasant son mégot encore fumant.
« Alors, qu’est-ce qu’il sé passé ? demanda le chauffeur. »
Alan le lui raconta.
« Ah, satanés dé vendeurs. Ils lé savent pourtant, qu’il ne faut pas qu’ils vendent trop prêt d’oune bouche d’égout dans cé quartier.
- Bon, on va finir le trajet à pied, Tom. Combien ça fait ? »
Alan le paya et, la main de son fils dans la sienne, ils se pressèrent de rejoindre le trottoir. En passant au détour d’une rue, Alan aperçut les pompiers s’affairant, mais la foule de curieux lui empêchait de voir si un quelconque appendice visqueux ou une carriole de hot-dogs.
Après vingt minutes de marche, leur périple prit fin.
Avant d’entrer, Alan s’accroupit à hauteur de son fils et le prit par le bras.
« Ecoute, fiston. Papa et Maman ont travaillé dur pour te payer ton cadeau d’anniversaire, et Papa aimerait bien annoncer à Maman que tu t’es amusé. Alors tu arrêtes de faire cette tête et tu en profites. Moi, mon père, que tu n’as pas connu, m’y a amené quand j’ai eu ton âge et ça a été le plus beau jour de ma vie. »
Tom haussa les épaules, toujours silencieux.
Alan ne savait plus que penser. Il était en colère de voir l’enfant bouder en une pareille occasion, se sentait honteux d’avoir eu à lui demander d’être content d’être là et culpabilisait de n’avoir pas pu mieux égayer sa journée.
Alors il se rendit au guichet et prit deux billets. Puis ils pénétrèrent dans le zoo.
A partir de cet instant, il ne vit plus Tom autrement qu’avec une expression de joie sur le visage. L’enfant était si excité qu’il le perdit deux fois dans le parc.
Ils firent tous les enclos. Certains même plusieurs fois. Tom insista pour voir toutes les races de chiens et y passa l’intégralité de sa pellicule. Heureusement, Alan en trouva d’autres en vente à la sortie du pavillon des vers de terre.
Il leur fallut courir à plusieurs reprises pour ne manquer aucune représentations. Le cirque des hamsters dans la cabane des rongeurs, la démonstration de perruches savantes, la ronde des moutons… Le cœur d’Alan eut un raté lorsqu’il entendit son fils rire à plein poumons pendant le spectacle des cochons.
Il eut lui-même des larmes aux yeux en traversant la volière des canaris. Ils eurent même la chance d’assister au nourissage des chats. Et comme ils étaient arrivés les premiers, le gardien laissa même entrer Tom dans l’enceinte pour caresser un chat siamois (« Ils sont très rares, il n’y a que quatre couples en Amérique du nord » les informa l’employé). Le félin détala quand Tom éternua, mais son père fut persuadé (et cela se confirmerait dans tous les dessins de son fils pour le mois à venir) que cette rencontre serait gravée pour un long moment dans son jeune esprit.
Les visites furent tout bonnement parfaites, à part peut-être ce moment où un phénix entra on ne sait trop comment dans l’enclos des volailles et vint taquiner les pintades pendant leur grande parade. Mais les membres du personnel du zoo le chassèrent rapidement et l’animation put reprendre son cours.
Tom et Alan s’amusèrent tant qu’ils prirent du retard sur l’horaire qu’ils s’étaient fixé, et durent prendre le bus suivant celui qui était prévu (conduit par un vieux chauve, ce qui les déçu tous les deux).
Tom s’assit à côté de son père dans le véhicule, et, alors qu’au loin le soleil commençait à décliner, il lui offrit un immense sourire et le remercia.
Alan prit son fils par l’épaule et l’embrassa sur le front.
Oui vraiment, c’était une belle journée.
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7 commentaires:
Alala ced, après ça, impossible de t'en vouloir d'avoir mis tant de temps à poster..
J'adore toujours autant...on s'y croirait!
tres tres bon, ce monde parrallele ferait presque envie.
Raaah avoir son dragon domestique dans le jardin pour rapporter la baballe ou encore faire une ballade sur des Arachnides geantes ^^
Une fois de plus, j'adore !
l'ambiance est sympa et j'aime beaucoup l'idée ! C'est super bien trouvé. Et pour ne rien gacher, la psychologie des personnages est bien étudiée. Ca ajoute de la vie c'est sympa.
Quel lien y avait-il avec Triglyphe ?
Hello merci à vous tous... hum à vous 3... pour les commentaires.
Le lien avec Triglyphe est que ce monde était créé avec le souhait de la fille qui récupère la lampe à la fin de la nouvelle (et devenait en quelque sorte la "déesse" de ce monde). Mais c'était inutile et faisait rentrer une ambiance fantastique alors que là le fantastique vient de la "normalité" des animaux...
Allez prochaine nouvelle pour ce soir :)
Oui enfin tu as les 3 meilleurs aussi...
:D
C'est bien de publier le soir...comme ça je ne suis pas tentée de prendre 1/4 d'heure au boulot pour te lire...
ahah, une nouvelle ce soir ^^
je vais passer la soirée a F5-ter pour faire un beau PREUM'S :p
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