Ce furent les rayons du soleil qui tirèrent Phil du sommeil. Ses paupières clignèrent doucement, et s’ouvrirent en grand quand il vit son radio-réveil. 9H12. Cela faisait plus d’une heure qu’il devait être au travail. Il s’habilla en vitesse, se mouilla le visage, se coiffa avec ses doigts et courut vers le hall d’entrée. En saisissant la poignée, il tourna la tête vers la porte de la petite chambre.
Et là, tout lui revint.
La lampe, le rêve, Elle, le vœu, le mot… Tout lui revint subitement en mémoire. Il fit tomber sa malette et se dirigea vers la pièce. Martineau & Fils (SA) attendrait.
Il saisit la lampe noire coiffée de l’étoffe de soie. Ce n’était peut-être qu’un rêve…
Phil se précipita vers la salle de bain et sortit du placard sous le lavabo son pèse-personne électronique. Il y grimpa dessus.
152 Kilos.
La lampe dans les mains, Phil prit une profonde inspiration, et sans quitter des yeux l’écran digital, pronoça distinctement :
« Triglyphe. »
Après quelques interminables secondes de silence, un éclat de joie résonna alors dans l’appartement.
Les chiffres 1, 5 et 1 figuraient fièrement sur l’écran digital. Il sourit bêtement en serrant la lampe contre sa poitrine. Ses yeux heureux s’embuèrent de larmes.
« Triglyphe ! Triglyphe ! » entonna-t-il joyeusement.
Le sol trembla alors un peu, quand le corps inerte de Phil s’écrasa à terre.
Certaines personnes, afin d’impressionner leurs pairs, leur présentent leur équipement audio-visuel dernier cri, leur voiture tout-terrain ou leur salle de bain avec sauna et jacuzzi intégrés. Kévin, lui, préférait tenter sa chance en montrant des cadavres. C’est un des privilèges que vous procure un poste d’assistant dans une morgue.
Pour l’heure, le pair à impressionner, c’était Nathalie, une fille qu’il avait rencontré en boîte quelques nuits plus tôt, et avec qui il espérait une idylle romantique(1).
Ils arrivèrent devant le corps.
« Wao, belle bête, remarqua Nathalie.
- Ça… Plus de 150 kilos, si tu veux mon avis, reconnaut Kévin.
- Et tu dis qu’il lui manque le… ?
- Exact, s’enthousiasma l’assistant. Ce type est mort d’une perte soudaine et inexpliqué de cerveau. Et cela, sans incision, ni marque chirurgicale d’aucune sorte.
- C’est ça ! Regarde, on voit bien que ça a été ouvert puis recousu.
- C’est le légiste qui a fait ça. 1,4 kilos de barbaque disparus dans la nature, comme ça (Kévin claqua des doigts).
- Et comment c’est possible ?
- Ben, à l’époque des égyptiens, les embaumeurs introduisaient un produit qui liquifiait le cerveau, puis le retirait par les narines, expliqua le jeune homme, satisfait de voir que son savoir paraissait faire son effet sur Nathalie. Mais là, rien… Pas de trace de produit… Le pire, c’est qu’on s’est rendu compte que les parois de la cavité autour de la cervelle sont comme… creusées, il en manque, quoi… Comme si une bestiole à l’intérieur avait tout bouffé…
- Hé bé… »
Les yeux de Nathalie se posèrent sur les pieds du cadavre.
« Et ça, c’est quoi ?
-Oh, on l’a retrouvé avec ça dans les mains, dit Kévin en mentionnant du menton l’objet dans la poche plastique posée sur la table métallique. Les flics doivent passer le chercher, pour voir si ça a quelque chose à voir, ou un truc comme ça… »
Nathalie prit le sac hermétiquement fermé d’une main et l’observa à la lumière. A l’intérieur se bousculaient une espèce de vielle carafe noire éraflée et un morceau de tissu rouge. La jeune femme les contempla avec fascination.
« Bon, on ferait mieux d’y aller, dit Kévin en baillant. Déjà que j’ai pas le droit d’être ici à cette heure, si en plus quelqu’un découvre que je t’ai amenée. »
Elle hocha la tête et se dirigea vers la sortie. Kévin recouvrit le corps, éteignit la lumière et la rejoignit.
« On pourrait se prendre une pizza en passant, proposa-t-il. »
En aucune façon il ne remarqua le petit air coupable qu’affichait le visage de Nathalie, ni sa veste déformée par l’objet qu’elle venait d’y dissimuler…
7 commentaires:
1 : Ce qui signifiait une soirée pizza devant un mauvais film d’action avec séance de pelotage, suivie d’une nuit de passion et de la perte soudaine de son numéro de téléphone pour, disons, le reste de sa vie.
arrrh, je suis un poil déçu de la fin quand même... j'aime bien savoir le pourquoi ? Que lui est il arrivé ?
Bah, il a souhaité perdre deux kilos et ça lui a fait disparaître son cerveau...
J'adore !
mode voix de zombie ahsmatique et poussierreux.
"En voila un qui ne se fera plus du lard sur son poid hinhinhinhinhin"
Pas mal ! j'aime beaucoup le ton ironique (voire presque cynique) et la fin inattendue...
Quel talent !!
Arf, un poil déçu...mais une happy end aurait été vraiment trop simple pour toi!!
pfiou,y'a nettement moins de monde ici!!bon,j'avoue,j'ai pas encore lu,mais je vais m'y mettre!
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