12/11/2006

Triglyphe 2/3

On continue sur l'aventure de Phil... Même système pour les notes de renvoie dans les commentaires.

III


Phil ouvrit la vitrine qui enfermait son dernier trophée (ou plutôt son avant-dernier, à présent) et saisit le morceau de tissu.
Il s’approcha de la lampe au centre de la pièce. Elle était entièrement noire et, bien qu’émoussée et constellée de raillures, elle brillait à la lumière. Elle était un peu plus petite que la normale, semblait-il. Mais surtout, elle était superbe. Et de toute évidence très ancienne.
Phil regretta que le couvercle de l’objet soit absent, et espéra que cela n’aurait aucune incidence. Comme à chacune des soixante-seize précédentes tentatives, l’homme tremblait de tous ses membres.
Des perles de sueur dégoulinaient de son front alors qu’il voyait sa silhouette grossir dans le reflet de la lampe.
Enfin, il prit son courage et l’objet à deux mains, et le frotta doucement avec la soie.
Il ferma les yeux…
Quand il les ouvrit à nouveau, il ne s’était strictement rien passé. Ou plutôt si, entre temps, une autre vague d’espoir avait quitté l’océan de son esprit. Mais il ne baisserait pas les bras. Pas après tout ce temps.
Il plia l’étoffe en quatre, la posa sur la lampe, qui rejoigint les autres dans une des vitrines. Puis il éteignit la lumière et quitta la pièce.
Il n’avait pas faim mais il engloutit tout de même les restes de son repas de midi, et, entre deux larmes discrètes, décida d’aller se coucher.

IV


Il existe un instant, coincé entre l’état de veille et le sommeil paradoxal, où votre esprit s’échappe. Où vous êtes juste assez conscient pour vous rendre compte que vous ne l’êtes presque plus. Vous vous rappelez votre journée, vous pensez à quelque chose, à quelqu’un (comme par exemple à Sabine, de la compta) et vous avez d’un coup l’impression, tout en vous sachant allongé dans votre lit, d’assister à un film qui défile, hors de votre contrôle.
Ce fut cet instant que choisit la créature pour apparaître à Phil.
Dans son « presque-rêve », Phil humiliait Jacques, en pleine pause–café, en lui faisant remarquer que son humour serait franchement meilleur s’il songeait à rendre drôles ses histoires (1). Sabine, près du distributeur de gâteaux, le dévorait des yeux. Puis elle s’approcha de lui et…
Et tout devint blanc. Phil était en pyjama, seul, dans un décor brumeux et totalement désert. Il plissa les yeux en voyant au loin une silhouette se dessiner. Il s’avançat à sa rencontre.
C’était une femme. Du moins de loin. Des cheveux étaient longs, lisses, et noirs comme la nuit, tranchant terriblement avec l’ambiance neigeuse du…décor, dirons-nous…
Bien qu’il n’en connût pas l’exacte signification, l’adjectif diaphane venait immédiatement à l’esprit de Phil. Sa peau était si pâle que des réseaux de veines bleues se dessinaient sur tout son visage et son corps blanc.
Corps qu’elle avait entièrement nu, d’ailleurs. Malgré les marques sinueuses qui parcouraient l’être, l’entrejambe de Phil se chargea de lui rappeler qu’il s’agissait là d’une superbe, superbe femme. Et que cela faisait bien longtemps qu’il n’en avait vu une dévétue (si l’on excepte bien entendu celles qui figuraient dans les pages de ses revues coquines (2)).
Arrivée à quelques pas de lui, elle lui adressa la parole.
« Bonsoir, Phil, dit calmement l’apparition.
- Bonsoir, répondit Phil (ou plutôt voulut-il répondre, puisque cela donna plutôt : Bnrrr…) . »
Il regarda autour de lui, et hasarda un :
« Je suis en train de réver, c’est ça ?
- Pas tout à fait, tu en es à la toute limite. C’est pourquoi tu dois te calmer. Si tu reviens à toi, ce sera trop tard . »
Sa voix avait quelque chose d’envoûtant, et de dérangeant, aussi.
« Trop tard pour quoi ? répartit Phil en tentant de ne fixer que ses pieds. Et puis vous êtes qui, d’abord ? »
Une main froide saisit son menton. Leurs regards se croisèrent.
« Tu sais bien, Phil… je suis l’esprit de la lampe. Je suis ici car tu m’y as invoquée. Et je pourrai satisfaire un de tes vœux, quel qu’il soit.
- Un seul ? pourquoi un seul ?
- L’état de semi-torpeur dans lequel tu te trouves est très difficile à atteindre pour un être humain. Ce soir je t’ai aidé à y accéder, mais aucun homme ne peut y parvenir plus d’une fois dans son existence. »
Phil hocha la tête.
« Sais-tu quel sera ton souhait ? »
Evidemment qu’il le savait. En vingt-sept ans, inutile de vous dire que Phil avait imaginé des milliers de fois cet instant et ce qu’il y ferait (même s’il fallait l’avouer, il ne l’avait pas vraiment imaginé ainsi…).
Impossible de faire un souhait trop direct. Pas question d’un « je veux être beau ». la beauté est tout ce qu’il y a de plus relatif, et le fait que de jeunes japonaises s’extasient devant des lutteurs de sumotori le confirmait à Phil. Il ne pouvait pas demander à être mince, ou même à indiquer son poids souhaité, car son corps ne supporterait pas une perte de masse si soudaine. Et il n’avait aucun second vœu pour demander « et à propos, tant qu’on parle souhait, je voudrais survivre à mon premier ».
Non, la solution, il l’avait trouvée. Il lui fallait pouvoir contrôler son poids, maigrir quand il le désirerait. Il lui fallait un signal, auquel son corps réagirait instantanément. Comme un mot. Un mot prononcé. Mais ce mot ne devait pas être trop courant, de sorte que son amaigrissement ne se fasse pas de manière anarchique et incontrôlée.
Alors, par un après-midi d’hiver, il avait ouvert un dictionnaire, et après avoir tourné quelques pages, il était tombé sur le mot Triglyphe. La définition exacte en était :

Triglyphe. n.m. Ornement de la frise dorique, composé de trois canelures.

Même en le relisant plusieurs fois, cela ne signifiait toujours rien pour Phil, si ce n’est un vague terme d’architecture. Ce mot était parfait. Triglyphe…
Phil se lança.
« Mon vœu est qu’à chaque fois que je proncerai le mot « Triglyphe », je perde un kilo. »
Le génie le regarda en silence, sans bouger.
Au bout de ce qui passait dans cet univers pour quelques minutes, Phil se demanda franchement s’il ne l’avait pas cassée.
« Heu… commença-t-il.
- Est-ce la ton vœu ? demanda calmement la femme.
- …oui. »
A ce mot, elle s’approcha lentement de lui, l’entoura de ses bras nus et l’embrassa à pleine bouche.
Puis elle disparut.
Et Phil s’endormit.


Suite et fin bientôt...


7 commentaires:

ced a dit…

1 : A vrai dire, quelqu’un avait déjà fait cette remarque à Jacques, ce à quoi ce dernier répondit que cela lui faisait penser à une blague.

2 : Et par revues coquines, Phil entendait : Pages « lingerie fine » de la Redoute et des Trois Suisses.

Anonyme a dit…

Ouah non eh ! Là t'es dur quand même ! En plus la deuxième partie est plus courte que la première !!!

Combien tu veux pour poster la suite dans l'aprèm' ? :D

ced a dit…

Hum...
300 visiteurs uniques...

;)

Anonyme a dit…

Et tu en es à combien là ? :)

ced a dit…

Dans les 130/150

Anonyme a dit…

encore, encore, encore..et vite!

Anonyme a dit…

AAAaaaaah d'ou le titre....je me disais aussi :p